GRR 2021 Ecrit par Prunel Cubizolles
Et voilà un petit compte rendu de cette course mythique la Diagonale des Fous.
Au départ pas trop de stress, une belle ambiance, il fait chaud, il y a des milliers de personnes, ça fait plaisir et je réalise la chance que j'ai d'être là et de pouvoir participer à cette course. Matt part puis Stéphane et je me retrouve seule, je m'avance dans ma vague, Smecta et hop la course est lancée.
L'ambiance est dingue, il y a des gens partout, ils crient, chantent, applaudissent, je tape dans les mains de tout le monde, mon sourire est figé jusqu'aux oreilles. Ça dure pendant presque 1h, puis petit à petit ça s'estompe pour aller dans les champs de canne à sucre puis les pâtures. Les ralentissements commencent mais c'est tant mieux parce que ça me permet de ne pas aller trop vite, le groupe a un bon rythme, je suis bien.
Le froid arrive vers 1h du matin, je mets ma seconde peau tout en marchant la montée, le K-way, les gants et le tour de cou tellement ça caille. On monte sans relâche depuis 25 km, à chaque ravito je m'arrête très peu de temps, je remplis le camelback, prends une soupe et mange 2 poignées de fruits, tuc ou autre. Le lever de soleil arrive près de Mare à Boue : 48ème km - 5h40 de course, j'avais reconnu la portion, 5km de route plate, je cours à l'aise, je dépasse des dizaines de coureurs qui marchent déjà, ça me choque de voir autant de gens cramés si proche du départ. Les paysages sont magnifiques, le Piton des neiges est rouge flamboyant, une mer de nuages est en dessous, c'est juste incroyable. Je suis dans une super forme, j'adore tout et je n'ai aucune douleur.
La montée jusque Kerveguen d'environ 10km est dans la boue avec des gros cailloux et des racines parfois, impossible de courir alors on marche assez rapidement, j'en profite pour discuter avec les gens et écouter du reggae ahah ! La descente Kerveguen est l'une des plus dures du parcours, 2km - 800m de dénivelé négatif, glissante, avec des échelles, enfin bref il faut prendre son temps mais ça va, je suis bien, je rencontre un Belge qui s'entraîne au malgré tout, à Revin, c'est marrant !
J'arrive à Cilaos, 1ère base vie, 65km et 3336m de d+, tout va bien, je mange, je me change, change de chaussures, je me fais masser et je repars. Des grosses crampes d'estomac arrivent et m'empêchent de courir la descente suivante, un médecin me donne un doliprane et 20min après, j'arrive de nouveau à courir. Les montées de cascade Bras rouge et du Taïbit sont en plein soleil, il fait chaud, il est entre 11h et 14h30. Je n'ai pas trop de problèmes face à la chaleur à ce moment mais je vois plein de gens arrêtés. Je retrouve mes 2 amis de Montauban que j'ai rencontrés 8h plus tôt, c'est cool, vivre des instants pareils avec des inconnus c'est vraiment sympa !
Je fais la descente vers Marla à fond, je double plein de gens, c'est cool, je suis toujours aussi à l'aise, je n'ai que des pensées positives, je kiffe complètement, le cirque est dingue, on est entourés de falaises, on se sent tout petit. La montée suivante sera longue et la fatigue s'installe, j'ai envie de dormir, je tiens bon dans la descente même si je sens que je ne suis plus très lucide. Arrivée au ravito, je me pose mais n'arrive pas à dormir. Je repars donc direction Grand Place les bas, ça monte et ça descend. Je discute avec ces inconnus qui m'ont déjà vue ou même entendue sur l'interview de Patrick Montel, je suis famous ahah ! On me félicite de participer en étant si jeune, d'avoir un bon mental, ça me booste !! Je dors 15 min à Grand Place et repars direction la fameuse montée de Roche plate (qui n'est pas plate si vous vous demandez). L'ambiance est toujours folle, les bénévoles sont vraiment trop sympas et il y a des gens quasiment partout même jusque tard dans la nuit. Je ne sais pas si c'était une bonne idée de dormir parce que j'ai l'impression d'être encore plus fatiguée qu'avant, je mets du temps avant de me réveiller, j'ai les muscles endoloris mais mon mental est toujours au beau fixe.
Ce qui me fera mal c'est de voir les frontales tout en haut, la montée est interminable, super raide, le genou droit commence à tirer. J'arrive en haut à 1h, les bénévoles, venus à pied jusqu'ici et ravitaillés par hélico, sont juste dingues ! Ça caille ici alors je ne traîne pas, on commence la descente et là mon genou ne se plie plus. J'essaie de forcer un peu mais ça ne fait qu'empirer, et si j'arrive à le plier, c'est comme si on me plantait un couteau à l'intérieur du genou. Je descends tant bien que mal jusque Deux Bras en 5h (13km de descente…), je pleure à chaque caillou, je m'arrête et mets les genoux dans l'eau froide 2 fois, mais ça passe. Carole, une fille rencontrée 20min plus tôt, me suivra toute la descente, pour ne pas me laisser seule. Ma reconnaissance envers elle est immense, j'ai tellement mal que je pense même à arrêter, je ne me vois pas endurer cette souffrance pendant encore 40km.
A Deux Bras, 2ème base vie : 120km et 7200m de d+, je me fais masser, poser un strap qui atténue la douleur, je suis fatiguée et je ne prends pas le temps de manger. Sur le moment, je ne m'en rends pas compte, je suis dans le dur, pas mentalement mais physiquement, alors je me concentre pour atténuer la douleur et j'oublie de prendre un repas. Dans la montée de Dos d'Âne, je souffre et ma bouche n'accepte plus la boisson isotonique qui est dans mon camelback. Je monte pendant 3h en buvant 0,5L... je descends ensuite vers la Possession, des descentes très raides et courtes qui me font super mal, je me fais pas mal dépasser et puis je commence à voir des petits enfants cachés dans les bois, des formes à la place des cailloux, des petits fantômes, je sais que ce ne sont que des petites hallucinations mais plusieurs fois je m'arrête pour demander s'il y a quelqu'un dans les buissons car j'ai peur que les enfants soient là !
Un doliprane plus tard, mon mental revient et je vole, je cours jusqu'au ravito, 136km et 8131m de d+ où je bois et m'alimente assez bien, même si après coup je me rends compte que ce n'était pas assez. Je repars pour le Chemin des Anglais, il fait super chaud et mes pieds brûlent dans les chaussures, j'en chope des ampoules : les premières de toute la course, je suis impressionnée. Le soleil me tape sur le crâne mais ça va, je gère et j'avance bien, je connais la suite du parcours alors je sais que c'est bientôt fini. Je retrouve encore mes 2 amis de Montauban, ça fait trop plaisir de savoir qu'on va terminer ensemble, les spectateurs nous offrent de l'eau et de la nourriture un peu partout, l'ambiance est toujours aussi dingue. Mon sourire reste figé ! Dernière montée : le Colorado, des petites montées bien raides qui vont me dégommer le genou et le dénivelé positif est terminé !
En haut, je retrouve Patrick Montel qui m'interviewe et me dit que Matt n’est pas loin devant avec une entorse, l'émotion est à son comble, je pars le rejoindre en pleurant. La descente est horrible, 1h30 de souffrance, si je plie le genou, j'ai mal et si je ne le plie pas, je descends en 5h… Je vois une femme en marinière dans les fougères, des cailloux qui bougent, je me dis qu'il faut vraiment que j'arrive ! A 1km de l'arrivée, je vois Matt, je ne suis plus lucide alors je ne comprends pas trop mais je suis heureuse. Je lui demande de ranger mon K-way, et pourquoi je dois lui tenir la main, je ne sais plus trop ce qui se passe… mais la ligne d'arrivée est passée : 160km - 10 000 m de dénivelé - 44h35 de kiff !!!
Matt s'effondre à cause de sa cheville, moi aussi 5min après à cause d'une déshydratation et petite hypoglycémie, presque 2h inconsciente, je n'arrivais pas à parler. Ils m'ont fait une perfusion d'eau, glucose et médicaments et petit à petit je suis revenue à moi-même pour célébrer ce truc de dingue !!! On a retrouvé Mélissa, notre amie fraîchement rencontrée, sur le stade de l'arrivée, j'étais trop contente de la voir, après avoir été mal, ça faisait du bien de retrouver quelqu'un qu'on connaît. Maintenant, à quand la prochaine ?